Alberto Ruy Sanchez, le romancier mexicain envoûté par Mogador

Rachid Mamuoni, antes de la nota anterior, hizo esta entrevista aparecida tambien en Le Matin du Sahara:

Le romancier et essayiste mexicain Alberto Ruy Sanchez vient de signer un cinquième et dernier roman, 'la main du feu', qui plante le décor encore une fois dans la ville de Mogador, à laquelle il se dit très attaché.
Pour lui, Mogador, beaucoup plus qu'une ville, est un endroit qui lui inspire la 'recherche narrative sur le désir' qu'il a entamée depuis plus de 20 ans avec son premier roman de la série, 'Les visages de l'air', qui a remporté le prix littéraire le plus important du Mexique, 'Xavier Villaurrutia', et devenu depuis un livre culte sans cesse réédité.
Cet ancien collaborateur du prix Nobel de littérature mexicain, Ocatvo Paz, donne vie à ses personnages à Mogador, 'une ville à la sensualité écorchée', dont le métissage à travers les siècles lui rappelle, à plusieurs égards, son Mexique natal.
'Il y a quelque chose de magique à Mogador. Avec le temps, dit-il, je me suis rendu compte que Mogador était le produit d'une Utopie d'un sultan, qui a voulu faire de cette ville un endroit de vie en ébullition, avec un croisement de races, sur le carrefour des routes commerciale de l'époque'.
Dans la ville, on retrouve des descendants de juifs Sépharades et Ashkénazes, de populations d'Afrique noire et des berbères des Haha et de Souss. Ce métissage à travers les âges a crée ce qui représente actuellement 'la carte génétique d'Essaouira'.
Un métissage très similaire peut être observé aux Caraïbes qui est un mélange de l'animisme africain avec les religions catholiques.
La musique Gnaoua de Mogador, qui reflète un art de vivre singulier, est elle aussi très proche des rythmes en vogue à Cuba et à Haïti.
Ruy Sanchez fait un rapprochement surprenant de l'art picturale des Gnaoua, dont le maître de fil est Mohamed Tabbal, et le phénomène mexicain des Shamans.
La tradition shamanique et la mystique des gnaoua sont très semblables eu égard au métissage qui s'est fait à Mogador et celui qu'ont connu Cuba, Haïti, la Nouvelle Orléans, entre autres.
A cause de ce métissage, Mogador représente une sorte de 'pont culturel, une passerelle' entre l'Afrique et l'Occident.
Dans ce contexte, il n'est pas un hasard si plusieurs pays avaient choisi d'installer à Mogador, les premières missions consulaires sur les côtes africaines. La première représentation diplomatique des Etats-Unis a été justement à Mogador, après la reconnaissance de la jeune nation par le sultan du Maroc, rappelle l'auteur.
Ruy Sanchez s'attarde sur l'histoire de Mogador et 'ses murailles impressionnantes et inviolables'. Il raconte pour l'anecdote l'histoire d'une expédition militaire française qui avait tenté de s'emparer en vain de la ville au 19 siècle.
A l'époque, l'amiral français Prince de Joinville avait fait croire à ses supérieurs à Paris qu'il a pris Mogador, mais en fait il s'était emparé de l'île de Mogador et non de la ville, infranchissable depuis toujours.
Le tableau qui célèbre cette bataille dans le musée de la marine à Paris est un 'mensonge', car la ville n'a jamais été prise par ce militaire français, a affirmé Ruy Sanchez.
Des années plus tard, on retrouve ce même amiral ordonnant le bombardement de la ville mexicaine de Veracruz, fait observer avec malice l'écrivain mexicain.
Et Ruy Sanchez, un féru d'artisanat, de plonger avec ferveur dans une comparaison du travail des céramistes de Puebla (ville coloniale au sud de Mexico) et d'Essaouira.
Pour lui, il existe un jumelage artisanal entre le Maroc et le Mexique, dont l'origine remonte aux personnes venues d'Espagne, après la Reconquista.
Intarissable, il évoque les différentes manifestations de l'art mudéjar très visibles dans des villes coloniales du Mexique, introduit dans ce pays par les colons qui ont afflué d'Espagne dès les premières années de la colonisation et jusqu'au 19e siècle.
'L'art Mudéjar, plaide-t-il, continue d'exercer une influence énorme sur les différents aspects de la vie quotidienne au Mexique'. Il cite à ce sujet la céramique, évidemment, et les tissus avec des motifs et des couleurs particuliers très semblables à ceux qu'on retrouve dans les régions berbères du Maroc.
L'influence linguistique n'est pas en reste, car Antonio AlaTorre avait recensé plus de 4.000 mots d'origine arabe utilisés quasi quotidiennement dans le parler mexicain.
Pourquoi avoir choisi Mogador comme cadre de ses romans? æ'Il s'agit d'une revendication de l'héritage arabe du Mexique et parce que Mogador est une métaphore sur la façon d'être dans ce monde en utilisant tous les sens. Mogador est la sensualité même, qui permet de connaître le monde à travers les sens''.
A propos de la thématique de ses derniers romans, Ruy Sanchez dit se sentir æ'insulté'' lorsque des mexicains ou autres expriment des idées déformées sur la civilisation arabe, les exhortant à s'informer sur le monde arabe par un autre moyen que les médias globalisés. Interrogé sur certains aspects de 'l'actualité' dans son dernier roman, telle un passage sur l'arrivé des criquets à Essaouira, Ruy Sanchez affirme que ses lecteurs mexicains pensent qu'il invente ce genre de scène, mais pour lui, il s'agit d'un fait réel exploité dans son roman pour mieux décrire la réalité de la ville.
A propos des noms de ses deux principaux personnages, Zaydun et Hassiba, dans la 'main du feu', l'auteur affirme que ces personnages existent réellement à Mogador.
Au visiteur de Mogador, Ruy Sanchez conseille 'd'éteindre les moteurs et d'écouter la ville, se perdre dans ses ruelles, aller tous les jours au marché, observer à l'aube le retour des pêcheurs. Il faut aussi voir travailler les artisans du bois et visiter le Mellah'.
Les photographies qui illustrent le roman (un vase et des khmissates de différentes formes à) sont celles d'objet acquis par l'auteur à Essaouira pendant ses différents séjours.
Ruy Sanchez a vu le jour à Mexico en décembre 1951 de parents originaires du nord du Mexique. Il est Marié à l'historienne Margarita de Orellana et père de deux enfants.
Francophone accompli, Ruy Sachez a fait des études à Paris, et fut l'élève de professeurs tels que Roland Barthes, Gilles Deleuze et Jacques Rancière.
Il dirige depuis 1988 la revue 'Artes de México', qui a reçu au cours de ses quinze premières années plus de cent prix nationaux et internationaux d'arts de l'édition.
Par Rachid Mamouni | MAP Publié le : 08.02.2008 |

3 comentarios:

Daniella dijo...

Maestro.
Felicidades en este mes de la primavera.... Como verá, creo que sus lectores necesitamos unas buenas clasecitas de francés..
Un abrazo

Au revoir... (lo único que sé)
Merci

Lena García feijoo dijo...

Bellísimo mirarte el de Rachid Mamuoni: si romanzas son las que se tejen alrededor de Mogador. hay una heredad muy peculiar que, quizá, yo sólo haya encontrado tan intensa en la obra de Antonio gala, guardadas las distancias. Bravo por el párrafo final de Rachid: honores completos a queiens te acompañan...

Un beso

Anónimo dijo...

Droit au but et bien écrit! Pourquoi ne pas tout le monde comme ça?